LIBERTÉ ET SÉCURITÉ EN EHPAD : ENTRE ACCOMPAGNEMENT ET SURVEILLANCE

sorties inopinées et fugues en EHPAD

Dans de nombreux établissements d’hébergement pour personnes âgées (Ehpad), le curseur entre liberté et sécurité est une équation difficile à mettre en place par la direction. Dans cet article, nous allons essayer de vous donner des éléments pour déterminer les besoins aussi bien au niveau de la sécurité que de la liberté des résidents.

La responsabilité de la direction au sein d’un Ehpad est de tout mettre en œuvre pour s’assurer que le lieu de vie ne présente pas de danger pour les personnes âgées dont ils s’occupent, mais aussi de préserver la liberté de leurs pensionnaires. Certaines familles acceptent les risques malgré l’état de leur parent et veulent que leur aîné vive normalement sa vie, mais d’autres familles préfèrent assurer la sécurité de leur proche au détriment de sa liberté. Dans tous les cas, il est toujours conseillé d’associer la famille du résident à la réflexion quand une limitation de la liberté d’aller et venir est nécessaire.

LA NOTION DE SÉCURITÉ

L’obligation de sécurité a été introduite par la loi du 2 janvier 2002 dans le domaine social. L’ensemble des services sociaux et médico-sociaux ont donc l’obligation d’assurer la meilleure sécurité sanitaire possible aux résidents. Cette exigence de sécurité demandée par les familles expose les professionnels à des actions en justice si leur défaillance est démontrée, et qui sont susceptibles d’engager leur responsabilité pénale.

Un danger est une source potentielle de dommage, de préjudice ou d’effet nocif à l’égard d’une personne. Un risque est la probabilité qu’une personne subisse un préjudice ou des effets nocifs pour sa santé en cas d’exposition à un danger. Bien entendu, le risque de préjudice est supérieur pour les personnes atteintes de troubles cognitifs en raison d’un manque de discernement face à une source de danger ou une situation dangereuse. Concernant les sorties inopinées des résidents, les portes d’accès d’un bâtiment dans un Ehpad peuvent être source de danger si elles se trouvent, par exemple, à proximité d’une route très fréquentée. Le risque ici est la sortie d’un résident avec des troubles cognitifs qui pourrait être victime d’un accident ou provoquer un accident en traversant la chaussée.

Pour assurer la sécurité, les établissements peuvent mettre en place des solutions, mais qui entrave la liberté de mouvement et de déplacement. Le comité d’expert de la Haute Autorité de Santé (HAS) [1] a classé ces solutions selon la préservation de liberté qu’elles offrent. Il distingue 5 niveaux de pratiques dans cette limitation de liberté.

sécurité Ehpad
Pratiques des limitations de liberté en Ehpad

LA LIBERTÉ D’ALLER VENIR

La notion de liberté est vaste et recoupe plusieurs principes. Il s’agit ici de la liberté de mouvement et de son mode de déplacement. La liberté d’aller et venir est un droit fondamental, naturel et imprescriptible de l’homme [2]. La privation d’aller et venir peut être partielle ou plus rarement totale et doit être limitée dans la durée et/ou dans l’espace. Une personne peut être privée d’aller et venir pour raison médicale pendant une période donnée. Ce temps de restriction est nécessaire pour que le sujet retrouve la faculté de se mouvoir correctement sans remettre en cause sa guérison après une opération du col du fémur par exemple.

Une personne atteinte de troubles cognitifs peut voir sa liberté d’aller et venir limiter au seul bâtiment de l’Ehpad pour lui éviter de se perdre à l’extérieur. En revanche, la déambulation fait partie des symptômes de la maladie [3]. Ces personnes ont besoin de marcher pour réduire leur angoisse face à la perte de leurs repères spatio-temporels. Il est donc important de les laisser déambuler.

Si le principe d’aller et venir est inscrit en droit comme un principe fort, il peut dans la pratique venir s’opposer avec l’impératif de sécurité imposée aux directions des Ehpad. Ce dilemme éthique pose un vide juridique qui laisse la réflexion aux équipes pour évaluer le niveau de risque acceptable et maintenir un bon équilibre entre liberté et sécurité.

RÉFLEXION SUR UN COMPROMIS ENTRE SÉCURITÉ ET LIBERTÉ

Concernant la contention physique, si elle s’avère absolument nécessaire dans le cas d’un risque imminent, l’équipe doit alors mettre en place un protocole précis destiné à en améliorer la sécurité d’utilisation par des mesures de surveillance et de réévaluation [4].

Les recommandations de la HAS concernant les personnes âgées hébergées en Ehpad sont d’encourager la circulation et de stimuler leur envie de sortir. Cette pratique implique en parallèle de privilégier une surveillance humaine auprès des résidents dans les zones à risques pour permettre la déambulation et de surveiller les personnes. Ces pratiques sont certes les meilleures, mais il est quasiment impossible de les mettre en œuvre dans la pratique.

La fermeture des portes extérieures ou à l’aide d’un digicode est une démarche souvent utilisée en Ehpad, notamment dans les établissements qui accueillent des personnes âgées avec des troubles cognitifs. Cette pratique, si elle plutôt efficace, pénalise en revanche les résidents en capacité de sortir. De plus, certains résidents à risques profitent des visites des familles pour sortir.

Depuis quelques années, des solutions de vidéosurveillance permettent de filmer les allées et venues des résidents dans les zones à risques. Ces solutions, si elles permettent de surveiller les résidents à risque aux sorties du bâtiment, pose en revanche des questionnements au niveau de leur intimité, mais aussi celle des autres résidents, du personnel et des familles.

Pour assurer une sécurité maximale et préserver la liberté d’aller et venir des résidents, les établissements se tourne donc vers des solutions anti-errances. Les solutions existantes se présentent sous différentes configurations. Les dispositifs les plus anciens sont des bracelets ou des pendentifs qui permettent d’alerter le personnel dès qu’un résident franchit une sortie. Cependant, ces dispositifs sont stigmatisant et très mal acceptés par les résidents.

Les dernières avancées technologiques, outre leur performance accrue, permettent de réduire l’encombrement de ces dispositifs. Désormais, ceux-ci se présentent sous forme de pastille ou patch à insérer dans les chaussures ou vêtements du résident. Le problème de stigmatisation n’est alors plus un obstacle pour l’adoption de ses solutions par les résidents.

Le choix d’une solution doit se faire avec la configuration du bâtiment, qui peut aussi servir de support pour mieux contrôler les flux des résidents en proposant un cheminement adéquat en évitant les zones à risques. Le bon compromis pour une solution est de mettre en place une solution collective qui n’entrave pas les libertés, mais qui prend en compte les spécificités individuelles en matière de sécurité.

1. https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2018-03/reco_accompagnement_maladie_alzheimer_etablissement_medico_social.pdf p.24.

2. Art. 2 DDHC 1789.

3. https://geriatries.fr/wp-content/uploads/2014/03/GE132_P51A54_ZoomSur.pdf

4. https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/contention.pdf